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Une radio web communautaire en Equateur

Chikan Rimay “Oiseau de vérité”

Depuis plus de trente ans, la communauté Sarayaku et ses 1200 habitants kichwa sont un modèle de résistance contre l’exploitation pétrolière dans toute l’Amérique latine . Dans ce combat, les femmes ont joué un rôle de premier plan pour protéger leur territoire, leur environnement et leur culture.

Aujourd’hui, les Sarayakus se consacrent à promouvoir le Sumak Kawsay, le bien-vivre en harmonie (entre l’être humain et son passé, ses semblables, sa communauté, ses racines culturelles, sa spiritualité mais également entre l’être humain et la nature, dans une perspective intergénérationnelle). Le rôle des femmes est de transmettre les connaissances ancestrales,« Sacha Runa Yachay » afin de préserver les savoirs traditionnels. Elles l’enseignent aux enfants dès l’âge de 3 ans. Une alternative pour protéger leur patrimoine. Cette philosophie de vie guide la communauté et renforce son identité culturelle indigène. Elle a  même valeur d’exemple dans le monde.

Alors avant que ce patrimoine ne se perde, la nécessité de pérenniser cette transmission est urgente. L’outil radiophonique sur le web a été privilégié, porté par la nouvelle génération de femmes de Sarayaku. Il leur offrira la possibilité d’asseoir leur rôle de transmission des savoirs, de la culture et de la langue et dans le même temps de s’engager dans les droits des femmes par des actions concrètes de mise en valeur de l’apport de la femme dans la communauté. Il va renforcer leur leadership et montrer qu’il est un facteur d’émancipation de la femme qui revendique aujourd’hui une équité de genre et une pleine reconnaissance.

Cette radio remplit  donc un double objectif : transmettre des savoirs, des coutumes, des traditions  et leur culture tout en réaffirmant le rôle de la femme.  

Les Sarayaku ont essayé plusieurs fois d’avoir leur propre programme de radio. Mais pour l’instant, rien n’existe. Cette radio permettra aussi de créer des partenariats avec d’autres médias comme Radio Jatari Kichwa, radio communautaire Kichwa amazonica à Arajuno.

Par ailleurs,  la radio, ce média de proximité, va renforcer le lien social  de la communauté par la pratique du collectage et par sa diffusion avec des enregistrements d’émission live. De plus,  par sa diffusion sur internet, elle va assurer la transmission du patrimoine à l’extérieur de la communauté .La radio est l’outil le mieux adapté d’autant qu’elle participe à la survie des langues autochtones  qui dépend en très grande partie des locuteurs natifs et de leur capacité à les parler couramment. C’est sur ce plan que les médias autochtones doivent et peuvent jouer un rôle décisif.

UNE RADIO PORTÉE PAR LES FEMMES DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION 

Samai Gualinga, en charge de la communication au gouvernement et Abigaelle Santi Présidente du gouvernement des jeunes de Sarayaku, vont diriger cette webradio et se former aux nouveaux récits sonores et au podcast.

Elles sont les enfants de la technologie.

Quand, en 2016, le président Rafael Correa les a surnommés “les terroristes environnementaux opposés au développement de la nation”, la réplique ne s’est pas fait attendre. C’est par le Web que les kichwas ont répondu. Et qui dit Internet, dit Facebook, Twitter, YouTube : un outil de plus dans la résistance de Sarayaku.

Et, malgré les soubresauts de la connexion, ils sont une dizaine, chaque jour, à se presser à la cyber-cahute dotée d’ordinateurs pour poster des photos ou alimenter la page Facebook “Sarayaku, defensores de la Selva”. Samai, fille du leader historique José Gualinga dirige aujourd’hui le service de la communication de la communauté. Elle entend bien jouer, à son tour, un rôle de résistante avec de nouveaux outils comme la radio pour raconter l’histoire de son peuple, de sa lutte , de son avenir et des droits des femmes. 

Elle sera associée à Abigaelle Santi, présidente du gouvernement des jeunes, militante de l’égalité homme-femme et écoféministe. Ensemble, elles vont partir à la rencontre de ces hommes et de ces femmes Sarayaku qui constituent la mémoire de la communauté. 

Elles vont s’approprier cet outil comme un instrument de promotion de l’éducation, des droits fondamentaux et de revendication identitaire. 

Internet offre aussi la possibilité de diffuser une information sur les enjeux des communautés, de réaliser des podcast, une bibliothèque orale et de toucher un large public. 

Ainsi, grâce à la radio, la communauté pourra pérenniser ces savoirs ancestraux qui aujourd’hui sont devenus un laboratoire d’idées pour demain pour construire un monde meilleur, plus juste et plus durable. 

SITUATION DANS LE PAYS

En Équateur, les amérindiens représentent plus de 6% de la population sur 17,3 millions d’habitants et sont divisés en 14 communautés. Un quart d’entre eux vivent en Amazonie équatorienne, où sont principalement situés les hydrocarbures, représentant 40% du PIB du pays et près de 60% des exportations. Pourtant, l’Equateur est le premier pays à avoir reconnu les droits de la nature dans la Constitution, en 2008. Exploiter tout en préservant semble être la devise de ce pays .

Dans ces conditions, depuis plus de trente ans les amérindiens de la province de Pastaza tentent de résister contre l’invasion des compagnies sur leur territoire en réclamant au gouvernement  la reconnaissance ancestrale des droits  à la terre ou de leur culture.

S’ ils ne sont pas entendus au niveau national, la revendication identitaire indigène a de nombreux soutiens sur la scène internationale. Et pour les communautés, c’est une question de survie.

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En terre indigène