';
Patricia Gualinga, messagère de la lutte amazonienne
Patricia Gualinga, photo de Misha Vallejo

Leader du peuple Kichwa de Sarayaku en Equateur, Patricia Gualinga se bat depuis de nombreuses années pour défendre les territoires de sa communauté, contre l’exploitation des sols et pour les droits de la nature. Rencontre avec cette activiste infatigable, sur le terrain, en ce moment.

Patricia Gualinga a d’abord travaillé à la radio et en tant que directrice d’un projet touristique. C’est lorsqu’une société pétrolière argentine s’est implantée sur le territoire de sa communauté en 2002, avec plus de 1 000 kg de dynamite pour déterminer la quantité de pétrole sous terre qu’elle s’est engagée, aux côtés de ses proches. Il faut dire que la famille Gualinga est connue pour sa résistance : Sabino, son père, est l’un des sages de la communauté, et sa mère, Corina Montalvo, s’est mobilisée avec de nombreuses femmes dès 1992 contre l’extractivisme.

Un combat collectif contre les multinationales extractivistes

Les femmes amazoniennes sont au centre de la résistance indigène depuis longtemps. En 2013, comme déjà en 1990, 100 femmes de 7 groupes autochtones différents, ont parcouru à pied les 250km qui les séparaient de Quito pour s’adresser à l’Assemblée nationale de l’Equateur. « L’Amazonie doit être conservée et c’est la demande qui est faite au gouvernement », répète inlassablement Patricia Gualinga : « les femmes sont préoccupées par la question de l’extraction pétrolière et minière » alors que les autorités équatoriennes promeuvent les politiques ‘extractivistes’ et ne respectent pas le processus de consultation préalable relative à l’exploitation des ressources sur les terres natives. Dans cette lutte, les femmes ont fait preuve de force et de fermeté en refusant de négocier : « c’est nous qui nous nous sommes mobilisées pour la vie ».

Patricia dénonce l’inégalité que représente le combat contre des grandes entreprises aux moyens colossaux, souvent protégées par le gouvernement pour qui seuls les intérêts économiques comptent. Mais d’ajouter que cette défense a pris de nombreuses années de la vie de son peuple. Car c’est collectivement que Patricia rappelle toujours se battre, telle une « Saramanta Warmikuna », messagère de la lutte amazonienne. Loin de cristalliser le combat sur son engagement, elle est l’une des figures des Sarayaku et a inspiré de nombreux(ses) autres défenseur(e)s.

Déterminée, Patricia Gualinga l’est 

« Ils ne peuvent pas nous intimider, ce que j’ai fait est ce que je devais faire, défendre ce qui était juste, ça me donne la force, l’indignation qui nous fait nous battre à nouveau« , a-t-elle déclaré. Pour autant, Patricia regrette de ne plus être la communauté pacifique d’antan, « nous sommes toujours sur la défensive »

Appelée comme témoin et interprète pour défendre ses terres devant la Commission Interaméricaine des Droits Humains en 2012, Patricia Gualinga a vécu ce procès comme un moment décisif de sa vie : « j’ai senti le poids de la responsabilité quant au sort de Sarayaku ».  Une victoire a été prononcée en faveur des Sarayaku puisque l’Equateur a été condamné à leur verser 1,4 millions de dollars.

A présent, Patricia et sa communauté luttent pour faire reconnaître la forêt tropicale comme être vivant, permettant l’équilibre entre les éléments de l’univers. « Nous voulons continuer à bien vivre dans la forêt, nous voulons être respectées et devenir un modèle qui pourra être reproduit ailleurs ».

Menacée de mort en mars 2018 à son domicile à Puyo, en Amazonie, Patricia Gualinga est l’une des défenseuses environnementales sous surveillance. 

Elle recevra en mai le prix de l’activisme environnemental lors du Festival International du film environnemental aux Canaries. Une récompense justifiée à l’aune de son engagement et de celui de sa communauté.

Marion Fichet

En terre indigène