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Les femmes autochtones, gardiennes des écosystèmes

Hindou Oumarou Ibrahim, présidente de l’AFPAT, est la porte-parole des femmes de la communauté peule m’bororo, au Tchad. Des autochtones, gardiennes des écosystèmes. Et leurs connaissances ancestrales de la bande du Sahel en font des expertes du climat. Pourtant, c’est une question de survie pour elles et pour nous.

Ces femmes sont des ingénieures de la nature et des gardiennes des écosystèmes.

Elles sont les moteurs de la gestion des ressources et de la protection de l’environnement, car leurs vies en dépendent entièrement. 

Pour avancer sur ces questions, nous organisons des ateliers d’échange de connaissances sur les plantes, les savoirs médicinaux pour les aider à gérer et à maintenir l’écosystème, malgré les impacts du changement climatique et la perte de la biodiversité. 

Depuis toujours, leur mode de vie nomade ou semi-nomade leur a permis de maintenir cet équilibre. Elles sont expertes car elles sont vraiment connectées à leur environnement. Ce n’est pas comme à l’école avec des statistiques, des tableaux;  c’est une connaissance ancestrale à base d’observation de la nature, des animaux, de la faune…

Elles n’ont pas besoin de compter le nombre d’arbres, pour dire combien de gaz à effet de serre il faut pour les retenir, parce que un arbre ce n’est pas que les feuilles et les troncs… Ce sont de nombreuses espèces qui rodent autour comme les insectes qui mangent les feuilles ou bien les termites en bas, les oiseaux… C’est un ensemble d’écosystèmes qu’elles connaissent parfaitement. 

Elles savent aussi que si le désert prend le dessus, cela veut dire qu’il va ensabler tous ces écosystèmes et les points d’eau. C’est la raison pour laquelle il faut maintenir l’équilibre de chaque écosystème avec sa diversité et ses espèces. Si l’une d’entre elles disparaît, c’est toute la chaîne qui est détruite.

Ces femmes ont beaucoup à apporter parce que, depuis des millénaires, elles maintiennent ces écosystèmes naturellement. Par exemple, en déplaçant le bétail d’un endroit à un autre, les bouses des vaches vont fertiliser la terre sans engrais chimiques. De même savent-elles à quel moment quitter leur campement nomade pour que l’écosystème soit régénéré naturellement. 

Vous comprendrez mieux pourquoi nous nous battons pour avoir accès à l’eau, à l’énergie, pour vivre décemment sur une terre que nous avons toujours protégée .

Nous avons des solutions à proposer au monde comme le retour aux savoirs ancestraux, mais nous ne sommes pas écoutées comme nous devrions l’être. Nous sommes toujours mises à l’écart de toutes les décisions environnementales au niveau international.

Aujourd’hui, ma mission consiste à faire comprendre au monde la réalité du terrain et à faire entendre la voix de ces expertes. 

J’essaye aussi de faire comprendre au monde que l’on ne peut pas prendre une décision qui arrange seulement l’économie et la politique,  elle doit arranger la planète et les individus, en respectant l’équité, la justice et les droits humains. 

Ces valeurs se sont perdues et je suis là pour dire au monde occidental qu’il y a encore une chance de sauver la Terre.

Si on recrée cette solidarité, ces partages, si on respecte l’espèce humaine dans sa globalité (les humains et les non-humains comme les insectes, les arbres, les plantes, les animaux..) alors le monde sera beaucoup plus avancé et la Terre pourra être préservée.

Nous avons, en tant que peuples autochtones, un rôle à jouer dans la construction d’un monde plus durable.

Je voudrais que les décideurs-euses comprennent que le changement climatique touche l’humanité et qu’une grande partie de cette humanité est composée de femmes.

Crédit : Salma Khalil

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En terre indigène