';
Les femmes autochtones : éco féministes avant l’heure

L’écoféminisme est à la croisée de la lutte environnementale et de la protection des droits des femmes. Grande tendance actuelle du mouvement féministe, ses figures occidentales sont nombreuses. Pourtant, leurs idées s’inspirent en grande partie des mouvements autochtones des années 70.

“Repenser le politique pour sortir de la logique de domination de la nature et de la femme”, “établir des liens philosophiques et sociologiques entre le système de domination patriarcale et la dégradation des écosystèmes” : voilà ce que prône l’éco féminisme actuel. Naomi Klein, Starhawk, Val Plumwood ou encore Vandana Shiva, sont mondialement reconnues comme étant des figures de ce mouvement. Les valeurs qu’elles portent, bien que populaires aujourd’hui en Occident, ne sont pas nouvelles. Le terme écoféminisme a été inventé en 1974, par l’écrivaine française Françoise d’Eaubonne, qui constate le lien entre destruction de la nature et domination subie par les femmes dans « Le féminisme ou la mort ». Mais les combats éco féministes remontent encore plus loin. Ils s’inspirent en partie des mouvements de luttes autochtones, qui ont commencé à lutter, dès les années 70.

Les femmes autochtones présentes dès les premières luttes environnementale

A la fin des années 60, Madonna Thunder Hawk du peuple sioux lakota, aussi connue sous le nom de Warrior Woman, cofonde l’American Indian Movement. Celui-ci affronte le FBI et la police pendant 71 jours en 1973 lors du soulèvement de Wounded Knee. Pendant cette période, entre 150 et 300 Amérindiens de la tribu Lakota miniconjou, ont été tué par l’armée des États-Unis, alors qu’ils se battaient pour la reconnaissance de leur souveraineté nationale. Aujourd’hui, Madonna Hawkse bat à Standing rock contre le Dakota access Pipeline, aux côtés de jeunes activistes. Ils luttent contre la création d’un oléoduc qui passe dans la réserve sioux.

Sauver la Terre-mère

Les peuples autochtones sont d’autant plus légitimes d’être les ambassadeurs de la cause environnementale, puisqu’ils vivent sur un territoire qu’ils occupent depuis des millénaires.

Pour les indiens d’Amérique, la Terre-mère est sacrée. Si les femmes autochtones sont si nombreuses à défendre leur territoire, c’est parce que leur rapport à la terre est maternel. Violer la terre revient à violer une femme. “Tout comme notre mère nous donne la vie, la Terre-mère donne vie à toutes les créations de la terre”. L’eau est vitale car elle maintient la terre en vie. La terre nourrit les hommes comme la mère nourrit les enfants de son sein.   

Pour le mouvement écoféministe, la destruction de la nature et l’oppression des femmes sont liées. Dans le Nord Dakota, l’exploitation du gaz de schiste qui a commencé en 2006, a entraîné une augmentation de 200% du taux de criminalité, due à l’arrivée en masse des hommes en quête d’argent. Les violences contre les femmes ont quasiment triplé et la police ne parvient pas à protéger les Amérindiennes, principales victimes, qui sont devenues des proies faciles pour les dealers, les délinquants sexuels et la prostitution. 

Les conséquences d’une politique extractiviste à grande échelle. Les femmes sont atteintes dans leur corps au même titre que la nature.

Des luttes non violentes qui portent leurs fruits

Les femmes autochtones ne s’autoproclament pas éco féministes, ni féministes, mais elles le sont dans leurs actions, comme les sioux des Etats-Unis qui luttent contre l’extractivisme, les kichwa d’Equateur, ambassadrices des droits de la nature ou encore les femmes autochtones indonésiennes, qui luttent contre les palmiers à huile.

Elles portent des alternatives, mènent des combats collectifs et ont connu des victoires récentes :

À Standing rock, en juillet 2020, les insurgées sioux ont obtenu la fermeture temporaire du projet d’oléoduc “Dakota access pipeline”. En septembre, des membres du Congrès, des organisations tribales et du gouvernement d’Etat se sont joint à l’appel pour son arrêt définitif. 

En Indonésie, le gouvernement prépare une redistribution de 12,7 millions d’hectares de terres aux communautés autochtones et aux habitants de la forêt grâce à la pression des peuples autochtones et de leur présence sur les réseaux sociaux.

En 2012, les Kichwas remportent un procès historique à la Cour interaméricaine des droits de l’Homme. L’Etat équatorien est condamné à verser 1,4 million de dollars au peuple autochtone pour avoir autorisé des missions d’exploitation pétrolières sur leur territoire sans les consulter avant. Plus récemment, elles ont présenté une demande à l’UNESCO pour que leur “forêt vivante” soit reconnue et protégée.

Elles prônent une lutte non violente, un langage de vérité et de transparence.

De son côté, le peuple diné navajo mène également une lutte pacifique pour la préservation de l’environnement. 

Pour ce peuple d’Amérique du Nord, principalement situé dans l’Arizona, la terre peut se soigner. Lorsqu’il évoque l’harmonie du monde, il utilise le mot “Hozho”. Ce terme correspond à l’état initial du monde, quand les premiers hommes et les premières femmes sont sorties des entrailles de la terre. Selon eux, l’équilibre du monde est remis en cause par la destruction de l’environnement. 

Dans le film documentaire “Le Chant qui guérit la Terre”, de Lorenza Garcia sur le peuple Navajo, on peut voir les femmes chanter pour la terre, dans un but de réconciliation entre l’homme et la nature. Elles se rassemblent parfois en nombre pour chanter ensemble, sans les hommes. Elles créent les chants de demain pour guérir les blessures à venir.

Un documentaire sur trois écoféministes autochtones est à retrouver sur Vimeo

En terre indigène