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Le féminisme occitan
Muriel Batbie Castell, chanteuse lyrique occitane – photographie Georges Souche

Dans la lignée d’Olympe de Gouges, il existe une pensée féministe occitane depuis le Moyen Age. Nombreuses et souvent oubliées, les poétesses ont largement participé à raviver la culture et la langue occitanes, peu considérées par la France.

27 siècles d’histoire lient l’Occitanie, territoire beaucoup plus large que la seule région actuelle, allant du Rhône aux Pyrénées. Divisée depuis l’Empire France (IXe siècle), l’Occitanie est pourtant restée unie par une culture commune, dont la langue est l’élément clé : l’Occitan, appelé également langue d’Oc. C’est la langue des troubadours au XIIè siècle, qui inventèrent une nouvelle poésie, savante et subtile. Une conception romantique qui ira jusqu’à influencer le mot français « amour », dont la racine latine aurait voulu qu’il soit « ameur ».

Terreau de nombreuses plumes et talents littéraires, l’Occitanie a vu naitre d’innombrables poétesses. Participant à la tradition du « félibrige », association qui œuvre depuis 1854 pour la promotion de la culture occitane, les félibresses ont et continuent de célébrer leur langue ancestrale. 

Louisa Paulin fut l’une d’entre elles, au début du XXè siècle. Poétesse d’origine tarnaise, ses écrits célèbrent la beauté du monde, sa fragilité et son caractère fugitif. Se confondant souvent avec le végétal et l’animal, elle exalte l’expression de ses sentiments avec tendresse et dignité. « Le retour à la langue de ses aïeux allait lui permettre de traduire les vibrations spirituelles réservées aux plus riches sensibilités féminines, avant d’atteindre bientôt ce souffle épique si exceptionnel »témoigne Louis-Charles Bellet. Une exaltation de la nature que l’on retrouve quelques années plus tard, avec Marcelle Delplastre, poète (elle détestait le terme de poétesse qu’elle faisait rimer avec « de mes fesses »), conteuse et romancière limousine décédée en 1998. Perçue comme une paysanne par le monde littéraire, et comme une étrange femme qui écrivait par les ruraux, elle célébrait l’arbre, la terre, le mystère de la création, la déploration du monde, l’âme meurtrie, dans des poèmes souvent tristes et durs. Aujourd’hui reconnue comme l’un des dix plus grands écrivains occitans du XXe siècle, également ethnologue exigeante, elle décortiquait le monde rural où elle vécut, décrivant ce qu’elle percevait alors comme « la fin de la civilisation paysanne ».

La tradition félibresse se poursuit aujourd’hui avec Muriel Batbie Castell, professeure d’occitan et chanteuse soliste, passionnée par la poésie des troubadours à laquelle elle rend hommage dans son dernier disque de chant lyrique. Elle est également la voix du métro de Toulouse dans lequel elle annonce les noms des stations en occitan et en français.

Historiquement centraliste et unitariste, la France n’a jamais voulu reconnaître l’Occitan comme culture autochtone, de peur de réveils identitaires. Pourtant, depuis quelques années, elle a reconnu de fait celle des Amérindiens de Guyane et des Kanaks de Nouvelle-Calédonie, à découvrir demain.

Marion Fichet

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