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Samai Galingua : le souffle du vent radiophonique des Saryakus

La radio: une nouvelle arme d’émancipation des femmes indigènes

Depuis  fin 2021, une radio a été créée dans la communauté Sarayaku d’Équateur pour mieux asseoir le combat de ce peuple kichwa contre l’extractivisme, protéger la terre mère et valoriser la place des femmes. À l’origine de ce projet: Samai Gualinga, militante des droits des peuples et des femmes.

De son père José Gualinga, leader historique de la lutte indigène, elle a hérité l’esprit de résistance, de sa mère, belge d’origine, la conscience de l’émancipation des femmes, Samai Gualinga utilise les nouveaux outils (radio ou réseaux sociaux )pour mener à bien son combat .Elle naît dans les années 90 à Sarayaku, sur les rives du Bobonaza au cœur de la forêt amazonienne. Vu du ciel, le manteau végétal paraît infini, opaque, pourtant sous cet immense tapis de feuilles vertes quelques malocas (huttes de bois et de palmes) rappellent la présence de ces kichwas qui sont aujourd’hui 1500 à vivre de chasse, de pêche et d’agriculture vivrière.  Une vie en harmonie avec la nature mais depuis 40 ans, ils et elles s’opposent aux tentatives de destruction de leur culture et de leur terre.  Aujourd’hui, Sarayaku est devenu un modèle en  Amérique latine, l’enfance de Samai a été rythmée par les  rumeurs et tentatives de déstabilisation de la part des compagnies pétrolières “comme le jour où la radio a annoncé la mort de mon père”. Au lieu de se laisser intimider , elle participe à toutes les réunions et développe un art de la résistance, même si “c’était parfois difficile de trouver sa place dans une communauté où tout le monde autour de toi est très puissant et où toute la famille est leader” .

Son arme passe par  Internet: réseaux sociaux et médias

Quand,en 2016, le président Rafael Correa les a surnommés «les terroristes environnementaux opposés au développement de la nation», la réplique de Samai par Internet ne s’est pas fait attendre. Et, malgré les soubresauts de la connexion, elle se presse chaque jour, à la cyber-cahute dotée d’ordinateurs pour poster des photos sur Instagram ou alimenter la page Facebook « Sarayaku, defensores de la Selva ». La communauté vit selon les principes du Kawa Sacha. Selon leur cosmogonie, la terre, le cosmos, les êtres humains, les animaux, la flore, les pierres, les montagnes, les lacs, forment un tout. C’est pourquoi la forêt doit être protégée, au même titre que les êtres humains. En 2018, la communauté a même déposé la déclaration de la forêt vivante et une demande de classement au patrimoine de l’Unesco.

Dans cette lutte, les femmes se sont retrouvées en première ligne. 

Elle se souvient de ce jour de 2002 où, le regard fixe, le visage barré de peinture au niveau des yeux et coiffées de couronnes de plumes bleues, jaunes et noires, les femmes ont désarmé  les militaires et les ingénieurs venus explorer leur sol. Ces femmes sont à l’origine de son engagement car “elles défendent un art de la résistance, composé de transparence, d’intuition et d’un langage de vérité.” Depuis cinq ans, Samai entreprend un travail de collecte de la mémoire des anciennes. Elle y découvre des femmes fières mais qui ne sont pas reconnues comme elles devraient l’être. Sa décision est prise : donner la parole aux femmes . En décembre 2021, la radio Wayra Supai “l’esprit du vent” est créée grâce au soutien de l’association En Terre Indigène et de la Voix des Femmes autochtones. Elle  diffuse un magazine consacré aux femmes “Sarayaku Warmi” qui rend hommage à 4 générations de femmes, qui, chacune à leur manière, ont participé à renforcer la place des femmes dans la communauté. Il y a celles qui se sont levées pour dire non aux mariages forcés et précoces comme sa grand-mère, celles qui ont initié un système d’éducation specifique “ la clef de l’émancipation” selon Samai” ou encore celles de sa  génération qui tentent de concilier vie professionnelle et vie traditionnelle Elle a déjà prévu d’inviter, lors du  prochain programme, un homme pour discuter de la place des femmes dans la communauté. Et Samai Gualinga de conclure “le féminisme et le machisme sont des concepts occidentaux, pour nous l’important est de reconnaître le rôle de chacun et d’avancer ensemble  pour vivre le Suma kawsay, le bien vivre en harmonie dans la forêt”.

credit photo: Misha Vallejo

En terre indigène