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EPISODE 4 : LES RETROUVAILLES A KHAMONYI

C’est dans le district de Khamonyi que Godelieve a réuni dès octobre 1994, les femmes survivantes. D’abord sous un arbre, elles se sont ensuite réunies au centre social.

Vingt cinq ans, plus tard elles se retrouvent le 5 de chaque mois . Elles sont près d’une centaine et font parfois des dizaines de kilomètres à pied pour ne pas rater ce moment de partage et de danse.

Priscilla est l’une des responsables du groupe de danse. Son entrain, son énergie sont un modèle de résilience.  

Elle avait 16 ans en 1994 et a dû quitter sa famille pour se cacher. Elle ne la reverra plus jamais. Seule survivante : sa soeur Agnès. Enceinte, elle est battue par les miliciens mais réussit à s’enfuir dans la forêt . Un missionnaire va la nourrir et la soigner. Quatre ans plus tard, ils se se retrouvent et se marient. Aujourd’hui ils ont six ans enfants et quand elle raconte son histoire, c’est avec une grand émotion qu’elle rend hommage à son sauveur.

Grâce à Sevota,  Agnès a aussi retrouvé sa soeur Priscilla. Aujourd’hui elles sont inséparables et se sont recréé une famille. Orphelines toutes les deux, le mari de Priscilla l’est aussi même s’il est d’une ethnie différente. A eux d’eux, ils sont le symbole de la réconciliation. Ensemble ils ont trois enfants.

Priscilla a suivi le programme des orphelins “Watchounamao” (Paix) et Sevota les soutient économiquement en leur donnant du bétail et en participant à l’éducation des enfants. Mais le soutien le plus important est affectif.

Sevota est leur famille. 

C’est aussi le cas de Victoire qui a perdu son mari et ses enfants durant le génocide. 

Elle est une rescapée de ces barbaries extrêmes. Dès le mois de décembre 1994 Sevota organise les premiers groupes de parole où les femmes partagent les souffrances qu’elles s’acharnent à effacer de leur mémoire, parce que le viol reste tabou, pas seulement au Rwanda mais partout dans le monde. Peu à peu, les unes auprès des autres, elles s’entraident et certaines témoignent devant les tribunaux traditionnels populaires, les Gacaca. C’est ainsi que le viol considéré dans le droit comme le moins grave des crimes de catégorie 4, soit l’équivalent des vols de meubles, et non punissable, est devenu un crime majeur de catégorie 1. C’est grâce à elle et à ces “braves femmes de Sevota”que l’ancien bourgmestre de Taba en 1998 a été condamné et que le viol a été inscrit comme un crime de génocide.

Comme le dit si bien Godelieve “on n’oublie pas mais on gère le traumatisme ensemble” et cette réunion leur permet de sentir un peu de réconfort et de retrouver leur dignité.

Photographie © Chris Schwagga

Dans le prochain épisode : la thérapie de groupe

Anne Pastor

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