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Olga Kravtchenko : créatrice de campement culturel khanty en Sibérie

Son avenir s’est dessiné au début des années 90 car même après 60 années de communisme,les Russes n’ont pas réussi à effacer tous les rites et les croyances ancestrales. Alors Olga ouvre une école anthropologique puis décide de rencontrer les dernières grands-mères avec les enfants. Ce sont elles qui vont transmettre leurs savoirs. Et même si l’école ferme, non conforme selon les autorités, elle imagine des campements culturels pour immerger les enfants dans leur culture.

L’esprit protecteur de ce territoire est une femme : la déesse du Kazym. 

Elle est prête à défendre ses enfants, ceux qui vivent sur ces terres. Cette déesse du Kazym vit en chaque femme. C’est pourquoi chacune est prête à défendre la vie, ses enfants, et la culture.

Aujourd’hui, nous sommes une communauté fière de ses origines. Mais il y a encore dix ans, vous ne pouviez pas rencontrer autant de gens portant leurs vêtements traditionnels dans la rue. Il y avait une sorte de pression de la culture dominante. Il était admis qu’il s’agissait d’une culture arriérée, et mauvaise.

Quand Bieloyarski où je suis née il y a 64 ans, n’était encore qu’un village, et qu’il s’est développé; les nouveaux venus disaient à leurs enfants: « Eh, regarde, regarde ! Il y a un khanty qui court là-bas… » comme si c’était un animal. C’était courant à l’école par exemple, et même quand j’étudiais à l’université, de dire : « Ah ! Vous les… ». Mais j’osais leur répondre car j’étais plutôt une bonne élève et quand quelqu’un racontait une anecdote sur les Khantys, je prenais plaisir à dire : “Je suis khanty ! et  je suis fière de l’être”.

Dans les années 90, j’ai compris que ce que j’avais vécu durant mon enfance, que ma culture risquait de disparaître. C’est pourquoi, j’ai créé cette école anthropologique, à Kazym, pour la transmettre aux enfants.

Notre génération tenait sur deux jambes. D’un côté, le monde traditionnel. De l’autre, le monde russe ou soviétique. Mais nous étions robustes. Nous pouvions nous adapter à n’importe quelle culture. Vivre de manière traditionnelle comme moderne. Mais on voyait bien que les enfants de la génération des années 90 ne parvenaient pas à s’adapter. Ils ne pouvaient déjà plus mener un mode de vie traditionnel, mais ne parvenaient pas à s’habituer au monde moderne. Et donc, comment faire coïncider ces deux mondes ? Comment rendre les enfants plus forts, afin qu’ils connaissent, à la fois, le monde d’où ils viennent et qu’ils évoluent en même temps dans ce monde moderne. Pour qu’ils puissent vivre, exister, travailler et s’accomplir.

Nous n’avons pas commencé par réunir tout le matériel pédagogique, non, nous sommes partis en expédition ethnographiques avec les enfants dans les villages avec l’objectif de collecter la mémoire et d’aider les enfants à définir leur identité pour qu’ils comprennent qu’ils sont khantys de Kazym. Ensuite, nous avons défini 12 sessions de travail ou d’apprentissage?. Celles purement traditionnelles comme le folklore, les sessions linguistiques, les sessions artisanales, les sessions consacrées aux activités traditionnelles, comme la pêche, ou l’élevage de rennes (les enfants qui viennent aident alors avec le troupeau). Ensuite, nous avons des sessions « néo-traditionnelles ». Par exemple, l’art ornemental et le design graphique .Et enfin, des sessions sur les Jeux de l’ours qui sont un élément fondamental de la culture .

Je vais tout de suite me couvrir la tête, parce que c’est un thème qu’il ne faut pas aborder la tête découverte même si j’ai déjà un certain âge. Sans ce foulard je ne suis pas à l’aise,  parce qu’il y a une énergie qui vit et agit de manière très intense. Je suis réceptive à cette énergie. Elle émane de la fête de l’ours elle-même, ainsi que des conversations liées à ce sujet. 

Note de l’auteure: Olga revêt un châle traditionnelle sur sa tête et entonne une prière puis elle reprend la conversation. 

Les jeux de l’ours se sont tenus de nouveau dès 1991. Naturellement il existe des règles strictes sur la façon dont doit se dérouler cette fête. il ne faut pas proposer des nouveautés. Mais dans cette fête, certaines parties sont consacrées à la mise en scène des masques en bois de bouleau. Cette partie des jeux n’est pas sacrée, et peut donc avoir une existence propre. Ce qui est intéressant c’est que les enfants se produisent devant vous avec ces masques en abordant des thèmes anciens, mais également des thèmes contemporains. Autre exemple, les chants traditionnels. Aujourd’hui les garçons jouent la musique  avec deux nars-youkh, notre instrument traditionnel et trois guitares modernes.L’arrangement était tout simplement parfait ! 

C’est la preuve que les jeunes se sont réappropriés la culture et  qu’elle n’est pas figée dans le temps.

C’est pour cette raison que je crois que  ce travail en cours, se poursuit et se poursuivra au fil du temps. 

Mon rêve serait de donner la possibilité aux jeunes de se retrouver dans un espace ouvert sur le monde, qu’il y ait une interaction entre eux. 

D ’un côté, l’immersion dans la culture, de l’autre, l’ouverture sur les autres.

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En terre indigène