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EPISODE 3 : LES RETROUVAILLES AVEC GODELIEVE MUKASARASI

Les premières retrouvailles se font  ce 29 février au matin avec Godelieve Mukasarasi, la fondatrice de Sevota , cette association qui apporte un soutien psychologique mais aussi financier, social et éducatif aux femmes survivantes et aux enfants nés des viols.  

C’est grâce à elle, que nous allons rencontrer une quinzaine de femmes et d’enfants dans le but d’éditer ce livre d’ici Mars 2021.

Et c’est chez elle qui est aussi le bureau de l’association que nous logeons. Nous allons vivre au rythme de cette femme que l’on surnomme “la juste” à cause de son rôle joué pendant le génocide.

Son parcours illustre pourtant sa détermination. Bonne élève à l’école, ses parents agriculteurs hutus finissent par accepter qu’elle poursuive ses études. Elle devient assistante sociale. C’est dans le commune de Taba qu’elle rencontre son mari tutsi. Ils se marient et ont six enfants. Ils sont propriétaires du bar Ama Moro “Paix”, d’un commerce et de terres cultivables. Ils vivent heureux jusqu’au 7 Avril 1994. À partir de ce jour, les possesseurs d’une carte d’identité portant la mention « tutsi » sont abattus sur place. C’est une véritable chasse à l’homme , au  « gibier », suivie d’une mise à mort des victimes, abattues avec cruauté et comme du bétail. Le mari de Godelieve et ses enfants se cachent dans les collines. Godelieve est considérée elle-même comme traîtresse, car mariée à un Tutsi. Sa fille est violée, mais, par miracle, tous survivent. Godelieve tient promesse et décide de venir en aide aux femmes et aux enfants survivants. Elle crée  alors l’association Sevota. Avec son mari, elle s’engage aussi à demander justice pour les survivants du génocide. Ils acceptent de témoigner devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). En 1996, quelques semaines avant de comparaître, son mari est brutalement assassiné aux côtés de sa fille Angélique et de neuf autres personnes. Godelieve se relève et poursuit sa mission de soutien auprès des survivantes. Comme elle dit si bien, ces femmes la rendent digne et, elle, les aide à retrouver leur dignité. 

Depuis 25 ans, elle  se consacre entièrement à Sevota qui regroupe 80 associations et plus de 2.000 membres. Son téléphone ne cesse de sonner jour et nuit : des appels de femmes et des invitations à participer à des réunions.

Ce dimanche 1er Mars a lieu à Kigali une réunion qui invite les couples issus de mariage mixte (d’ethnie différente), des jeunes nés des viols et des femmes survivantes à se retrouver et à échanger sur leur histoire.

Godelieve est comme leur “maman”. quand elle monte sur scène, elle est applaudie de longues minutes avant de livrer un témoignage émouvant et plein d’espoir puis elle nous donne donne la parole pour présenter notre projet et surtout rappeler que ce livre de témoignages est leur livre pour qu’elles puissent se réapproprier leurs souvenirs, leurs vies.. A la sortie de la réunion, une dizaine de femmes et de jeunes nous attendent pour prendre rendez-vous. nous repartons avec la conviction que nous ne sommes que des “transmetteurs”, des “porteurs de voix”. Une voix si longtemps tue…

C’était les premières retrouvailles à Kigali.

Dans le prochain épisode, les retrouvailles avec les femmes rencontrées en Juillet 2019

Anne Pastor

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