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Le viol comme une arme de guerre : l’histoire d’Ancile au Rwanda
© Chris Shawaga / En Terre Indigène 

Si les femmes ont beaucoup souffert durant le génocide des Tutsi perpétré par les Hutu au Rwanda, du 7 avril 1994 au 17 juillet 1994, les enfants nés de viols (plus de 500), en subissent encore les blessures intergénérationnelles, vingt-cinq ans plus tard. 

Le génocide rwandais aura fait 800 000 victimes, en majorité Tutsi.
Vestine en est une. À 20 ans, elle a subi une série de viols, acte considéré aujourd’hui comme arme de guerre, ainsi que de nombreuses mutilations. De ce viol est née Ancile, jeune femme qui a aujourd’hui 25 ans. Selon un proverbe rwandais, “même si une vache met bas un veau pourri, elle le lèche”, explique Vestine. Elle ne pouvait donc pas avorter ou abandonner cet enfant, né de l’ennemi. Mais comment tisser une relation entre mère et fille ? Les rapports ont alors été difficiles, jusqu’à ce qu’Ancile découvre la vérité à l’âge de 10 ans. 

Tiraillée entre les “insultes de sa mère contre son père voisin”, et vice versa, et “rejetée par les deux familles”, elle est alors éprise d’une forte violence et bat sa mère. 

Vestine et sa fille rejoignent alors l’organisation SEVOTA (en français : Solidarité pour l’épanouissement des veuves et des orphelins), crée par Godelieve Mukasarasi, juste après le génocide, en octobre 1994, afin de soutenir les femmes veuves et les orphelins. 

Mère et fille apprennent alors à s’accepter et à s’aimer. À SEVOTA, l’accent est mis sur le dialogue, des ateliers, le tipping (sorte de points de pression exercés sur le corps favorisant la relaxation). 

Ancile occupe aujourd’hui la première place dans le coeur de sa mère, et a pu faire une formation dans l’hôtellerie, se marier et être mère à son tour. “Ce sont des enfants comme les autres” explique Godelieve, la directrice de l’organisme, “ce sont de beaux enfants”. 

Vestine est aujourd’hui responsable d’un groupe de survivantes et témoigne pour que la parole se libère, une parole qui peut encore surprendre ou déranger : “Le viol m’a sauvée, sinon je serais morte” témoigne-t-elle, “ la guérison continue et à  mon tour je peux restituer aux autre ce que j’ai appris”.

Marie Prugnat


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