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« Le chant qui guérit la terre »

Une terre sacrée 

Au pied du Monument Valley Navajo Tribal Park, une voix nous murmure ces paroles :
“Dans la beauté je marche,
la beauté devant moi, je marche
la beauté derrière moi, je marche
la beauté au dessus de moi, je marche
la beauté au dessous de moi, je marche
puisse le renouveau marcher dans la beauté
la beauté est en moi
Je suis la beauté…” Poésie Hozho lue par Lorenza Garcia 

Cette voix est celle de Lorenza Garcia, ambassadrice du peuple Diné-Navajo, avec qui nous avons rendez-vous. Le peuple Diné-Navajo l’a choisie il y a vingt cinq ans et en tant que musicienne, plasticienne, elle eu la grâce de pouvoir être initiée en particulier par les femmes.

Ce qui est important pour les Navajos c’est le territoire, c’est leur Terre-Mère. Ils vivent entre quatre montagnes sacrées. S’ils partent, ils perdent l’harmonie, leur relation à la terre, à la vie.

Comme le souligne Lorenza Garcia : Les Navajos placent le hozho au coeur de leur philosophie. Le hozho c’est la beauté la joie, la santé, l’harmonie, la conscience, l’amour, la compassion, l’humour et la prospérité. Il correspond à l’état initial du monde, lorsque les first men and first women issus des entrailles de la terre mirent en route les affaires du monde. C’est dans le hogan que le hozho aide à rétablir le lien d’harmonie pour vivre dans l‘ordre de l’univers et retrouver l’équilibre entre le monde visible et invisible”.

 Le chant qui guérit la terre 

Dans la culture amérindienne, le chant honore la vie et permet de maintenir ou de restaurer l’harmonie.

Lorenza Garcia et des chanteuses navajos pour son film “Le Chant qui guérit la Terre”.

Ce soir,  un groupe de femmes se retrouve à Shiprock « les ailes de l’aigle », un lieu sacré autour d’un feu.  Elles viennent de toute la réserve. Elles sont mère de famille, chanteuse rock, étudiante, peintre, activiste, fermière, professeure, elles ont entre 14 et 77 ans, mais toutes vont chanter ensemble toute la nuit pour restaurer l’harmonie.

Pour beaucoup de communautés amérindiennes, les chants sont là pour célébrer les mondes et les lieux qui leur ont permis de se développer. Ils permettent de revivre les grandes étapes de la création. Ils font résonner le cœur d’un système qui ne comporte pas de notion de séparation, puisque l’être en tant que tel fait partie d’un tout. Le chant célèbre aussi les éléments comme l’eau, l’air, le feu et la terre. D’eux, dépend l’harmonie sur notre planète. Ils font donc appel aux voix/voies qui sont entendues, au collectif capable d’entendre toutes les voix même si elles sont différentes. Les chants sont aussi issus de rires, de fêtes et permettent de célébrer ce qui va bien.

Mais Lorenza Garcia y voit aussi un facteur d’émancipation des femmes. Aujourd’hui, les femmes autochtones ont trois fois plus de risque d’être victimes de violence que les autres femmes américaines. Elles sont confrontées à la répression et à l’intimidation qui les empêchent de s’exprimer artistiquement et spirituellement. Afin de penser un autre monde, ces femmes amérindiennes se rassemblent.  

Entre sœurs d’esprit et accompagnées de leurs tambour qui bat au rythme du coeur de la terre, elles chantent pour préserver leur identité et guérir de leurs blessures.

Comme le souligne Roxane Harvey, chanteuse  :Le chant c’est la clé, c’est comme un lien, comme une connexion pour nous garder ensemble, nous garder engagées et protégées. Certains ne veulent pas partager. Mais moi j’aime avoir l’esprit ouvert parce que nous sommes tous un peuple, peu importe le clan, je reste ouverte. Je partage ces chansons qui viennent de mon coeur et elles sont pour les petits. Et pour la prochaine génération. Qu’ils continuent à chanter et influencer les petits. Il y a des moments où nous nous sentons perdus mais grâce à la musique nous ouvrons nos yeux, nos esprits et nos coeurs. Il y a de la guérison dans la musique. C’est çà le hozho et il est en nous tous. Pourquoi pas ne pas utiliser l’amour ? C’est si difficile pour vous ?” 

Nous devons réapprendre notre rôle de gardien de la Terre, repenser les rapports entre pouvoir et domination. Garantir aux générations futures la sérénité.

Et Lorenza Garcia d’ajouter:  “Ces chants nous parlent d’une riche culture traditionnelle, respectueuse de la Terre-Mère, menacée aujourd’hui par les maux du monde moderne.  En perpétuant  la mémoire du passé, ils peuvent  nous aider à fonder notre avenir. Restaurer en soi hozho c’est retrouver des liens harmonieux et sacrés en Terre-Mère et Ciel-Père. Notre monde moderne doit trouver un nouvel équilibre. La rencontre entre eux nous est urgente et vitale et nous invite à une nouvelle alliance.” 

Et Lorenza Garcia  de conclure:  “Partout dans le monde, les manifestations sur l’urgence écologique montrent combien les sociétés dites modernes ont longtemps fermé les yeux sur les comportements dévastateurs de la surconsommation, de l’utilisation à outrance des ressources naturelles et du sort.”  

Ces peuples ont toujours eu conscience de l’importance de prendre soin de la Terre-Mère comme ils la nomment. Car c’est elle qui nous nourrit et nous protège. 

Pour eux, la Terre est un être vivant. De son équilibre et de sa santé dépend la nôtre. En tant que gardiens de la terre, ils se sentent responsables et dépositaires d’une connaissance des lois d’harmonie.

Crédit : Lorenza Garcia

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En terre indigène