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EPISODE 5 : L’APPEL DES AMERINDIENS D’AMAZONIE CONTRE L’EXPLOITATION PETROLIERE



Les indigènes des bassins sacrés de l’Amazonie appellent la communauté internationale à l’aide face au risque d’augmentation de l’exploitation pétrolière.

Les Amérindiens du bassin amazonien, en Equateur et au Pérou, lancent un appel à l’aide à la communauté internationale. Ils ont peur que la pandémie mondiale de Covid-19 deviennent un prétexte pour relancer les forages pétroliers dans leur région.

Domingo Peas, le coordinateur de la campagne de protection des bassins sacrés de l’Amazonie, et d’autres dirigeants indigènes se sont adressés à l’agence Reuters pour mettre en lumière leur lutte contre le changement climatique. Ils défendent aussi leurs savoirs ancestraux. « Nous avons pris soin de notre forêt tropicale toute notre vie, nous invitons donc tout le monde (à partager) cette conscience. » 

Domingo Peas est membre de la nation Achuar (18 000 personnes), l’un des vingt peuples regroupant les 500 000 autochtones qui vivent dans cette région en amont de l’Amazone, entre l’Equateur et le Pérou. Le leader suggère que leur lutte bénéficie à l’ensemble de la planète, en particulier aux nouvelles générations :

« Pour les jeunes du monde, qui sont dans le monde moderne, beaucoup croient que la forêt est si loin qu’elle n’a pas d’effet sur le changement climatique. Maintenant, les grands scientifiques savent que le plus grand rôle de l’Amazonie c’est que l’Amazonie purifie l’air pour l’ensemble du continent. Il est donc important de ne plus extraire de pétrole, car le pétrole et les mines détruisent le fleuve. »

Par le passé, des fuites d’oléoducs ont déjà contaminé des cours d’eau dans lesquels les indigènes puisaient leur eau potable, mettant en danger humains et animaux.

Vers une augmentation des projets de forage

Les gisements de pétrole et de gaz se répartissent sur 725 000 km2 du bassin amazonien. Si pour le moment, seuls 7% de ces gisements sont utilisés, les autorités équatoriennes et péruviennes voudraient en exploiter 40% de plus. Les indigènes craignent que cette volonté soit exacerbée par la crise du coronavirus qui a fortement affaibli l’économie des pays de la région.

C’est ce que redoute Tuntiak Katan, membre de la communauté autonome shuar et vice-coordinateur de COICA (Coordination des Organisations Autochtones du Bassin Amazonien) : « Avec la justification qu’il est nécessaire de relancer l’économie du pays, les zones les plus touchées seront celles-ci, car il y aura une activité extractive plus intense, via la production de pétrole et l’exploitation minière. Donc la pression environnementale, socioculturelle sera très forte. Elle peut peut-être causer un problème, plus grave que ce que nous vivons. Il s’agit d’un danger fondamental ! »

TIAM, une alternative philosophique

Tuntiak Katan déplore qu’en 50 ans l’Equateur et le Pérou n’aient pas trouvé d’autre système de développement économique, qu’il n’y ait pas eu d’investissement dans les énergies alternatives moins nocives. Au lieu d’un modèle qui « nuit aux peuples indigènes, endommage leurs espaces de vie, leurs espaces sacrés » et « l’eau, vitale pour l’Humanité« .

Face à ce constat, les indiens Kichwa de Sarayaku en Equateur ont, eux aussi, lancé un appel à considérer TIAM, leur concept éthique et philosophique. José Gualinga représente les peuples autochtones à la province de Pastaza, l’une des plus extractivistes du pays. Il explique cette pensée : « Alors que l’humanité remet en question la perspective dominante sur le monde et ouvre les yeux sur les alternatives, nous, Peuple originaire de Sarayaku, invitons les gens à entendre notre philosophie du TIAM. Si les êtres humains acceptent ce mode de vie respectueux de la Pachamama, les plaies de la planète se panseront et la vie renaitra. Au cœur de notre philosophie se rencontrent des concepts qui reviennent sans cesse dans les débats publics grâce à la pandémie: l’importance de la solidarité, la récupération d’un monde naturel, l’interconnectivité, la nécessité de prioriser la vie et non le profit.« 

Ce pilier de la résistance face à l’extractivisme défend l’idée de la « Selva vivante ». Il suggère que si les hommes étaient plus respectueux de la Terre, elle leur rendrait. « TIAM est une alternative à la cosmologie dominante qui voit la nature comme “autre”, comme un objet d’exploitation. Cette vision a mené au déséquilibre et au changement climatique, ainsi qu’à la pandémie actuelle. Plus que jamais, nous pensons que l’humanité doit réapprendre à sentir la terre, à reconnaitre et à déclarer les mers, les glaciers, les volcans, comme des êtres vivants; à sentir qu’elle cohabite en nous, à se rappeler que nous sommes la nature. »

Dans cette famille de trois générations de résistants, Patricia Gualinga a reçu le prix de l’activisme environnemental, en mai 2019, lors du Festival International du film environnemental aux Canaries. Elle défend, elle aussi, cette cosmogonie en tant qu’ambassadrice des droits de la nature. Eco féministe, Patricia prône un art de la résistance au féminin, composé de transparence, d’intuition et d’un langage de vérité. Son mot d’ordre, « Non à la destruction et oui à la vie de la planète. »

Son portrait est à retrouver sur La Voix des femmes autochtones.

A lire : Amazonie : appel des Amérindiens pour une « alliance mondiale » contre l’exploitation pétrolière

Crédit photo Misha Vallejo

Le pont emblématique de Sarayaku a été détruit suite à des inondations liées au changement climatique, selon les indiens.

Océane Segura

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