';
EPISODE 4 : LE REVEIL DES INDIGENES D’AMERIQUE LATINE

Face à la pandémie du Covid-19, les peuples autochtones cumulent fragilité immunitaire, extrême précarité en terme d’accès au soin et politiques gouvernementales qui, très souvent, les oublient. Ils sont donc particulièrement à risque au Brésil, deuxième pays le plus touché avec 347 398 cas. Le photographe franco-brésilien Sebastião Salgado a lancé une pétition en ligne le 3 mai dernier, réclamant des « mesures urgentes » du gouvernement pour protéger les indigènes du virus. « Les peuples indigènes du Brésil risquent d’être décimés par le Covid-19 si des mesures urgentes ne sont pas prises pour les protéger« , écrit-il dans sa pétition aux 291 859 signatures.

Face au silence du président brésilien, Jair Bolsonaro, les indigènes sont obligés de s’organiser par eux-mêmes. C’est ce qu’a fait la communauté de l’ethnie Sateré Mawé. Vivant près de Manaus, la principale ville amazonienne, dont les services de santé sont complètement saturés, ils s’en sont remis à leurs savoirs traditionnels. Les indigènes parcourent le fleuve Amazone à la recherche de plantes médicinales afin de créer leurs propres remèdes à base d’écorces d’arbres, de citron, de menthe, ou encore de gingembre… Grâce à leurs connaissances ancestrales, ils concoctent infusions et thés, pour lutter contre les symptômes du Covid-19.

Pour l’ONU, « les communautés autochtones qui réussissent le mieux à résister à la pandémie de Covid-19 sont celles qui ont atteint l’autonomie, ce qui leur permet de gérer leurs terres et leurs ressources, et d’assurer la sécurité alimentaire grâce à leurs cultures et à la médecine traditionnelle », selon l’expert des droits des peuples autochtones, José Francisco Cali Tzay. Pour lui, « aujourd’hui plus que jamais, les gouvernements du monde entier devraient aider les peuples autochtones à mettre en œuvre leurs propres plans de protection communautaire».

Certaines communautés indigènes du Panama ont aussi opéré un « retour aux fondamentaux » selon le sociologue Jean Foyer, dans un article publié sur le blog de l’institut des Amériques, Covidam. Elles se sont remises à l’agriculture, à la pêche, et à la médecine traditionnelles depuis le début de la pandémie. Des remèdes et des savoir-faire inspirés par la nature, avec laquelle les cultures indigènes ont un rapport inhérent.

La voix de la nature 

Ainsi, dans la cosmogonie des indiens kichwas de Sarayaku, en Equateur : « la Terre, les êtres humains, les animaux, les montagne, mais aussi les êtres vivants invisibles de la forêt, forment un tout ». Il est donc primordial de protéger la forêt, au même titre que les êtres humains. Pour eux, la pandémie actuelle n’est pas un hasard. Ils en sont persuadés, si l’on prenait soin de la Terre, la vie pourrait y renaitre. Ils appellent aujourd’hui à profiter de la crise mondiale pour renouer avec la nature. Ils montrent eux-mêmes l’exemple.

Déjà en 2008, ils déposaient la déclaration de la  Selva vivante et demandaient son inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco. En même temps, leur pays devenait le premier à avoir inscrit les droits de la nature dans sa constitution. L’Equateur n’est pas à un paradoxe près puisqu’il puise 40 % de son PIB et près de 60 % de ses exportations de l’exploitation des hydrocarbures. Mais “Exploiter tout en préservant” semble être la devise de ce gouvernement qui, en juillet 2018, a lancé un plan de bioéconomie durable. 

Patricia Gualinga est l’une des figures de ce combat pour préserver la nature. Elle est la fille de Don Sabino, le Chaman de la communauté et de 3 générations de résistants. En 2002, le jour où 600 militaires et 400 ouvriers ont débarqué sans prévenir avec hélicoptères, chiens et explosifs pour mener à bien des explorations sismiques, sa vie bascule.  Sa décision est prise. Ce sera non. Patricia devient une ambassadrice des droits de la nature et la présidente de l’alliance des femme d’Amazonie. Ensemble, elles défendent un art de la résistance au féminin, composé de transparence, d’intuition et d’un langage de vérité. Aujourd’hui, les Sarayakus se  consacrent à promouvoir le Sumak Kawsay, le bien-vivre en harmonie. IIs entendent aussi proposer une alternative pour réduire les conséquences du réchauffement climatique.

Pour en savoir plus sur le combat de Patricia Gualinga, mais aussi d’autres femmes exemplaires, retrouvez le documentaire La Voix de la nature.

Photo : Misha Vallejo

Océane Segura

Comments
Share
En terre indigène