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La place des femmes dans le monde des morts au Mexique

A l’occasion du Jour des morts au Mexique, fête nationale festive et colorée où les vivants célèbrent leurs défunts, les femmes ont une place singulière dans les célébrations. Deux figures féminines et emblématiques relient les Mexicains à la mort : la Calavera et la Llorana.

Patrick Bard, photographe et écrivain français, qui vient de publier un livre de photographies sur la fête des morts au Mexique, intitulé « Calaveras, la mort joyeuse », souligne cette place prépondérante des femmes dans le monde des morts au Mexique. « Dans le Mexique préhispanique, le monde aztèque, un guerrier mort au combat et une femme morte en couches jouissaient du même prestige et se trouvaient sur un pied d’égalité. Les Aztèques croyaient qu’il existait trois régions où vivaient les morts. La plus convoitée était évidemment un équivalent de notre paradis. Les guerriers tués au combat ou sacrifiés ainsi que les femmes décédées pendant l’accouchement y montaient tout droit car le paradis était localisé dans le ciel. Ils y escortaient le soleil. 

Héritière de cette époque, mais aussi de syncrétismes contemporains, la figure emblématique qui relie les Mexicains à la mort est bien une femme : la Calavera, personnifiée par la très populaire figure de la Catrina ou Calavera Garbancera, qui voit le jour en 1912 sous le crayon imaginatif de José Guadalupe Posada, un caricaturiste qui la dessine sous la forme d’un squelette coiffé d’un chapeau à voilette. Le succès est immédiat. Le personnage devient très vite une figure populaire, bientôt reprise et déclinée sous de nombreuses variantes par les artistes des années 20, Diego Rivera et Frida Kahlo en tête. 

Autre figure féminine emblématique issue des mythes pré-hispaniques : la Llorona (la pleureuse). Elle se présente comme l’âme en peine d’une femme ayant perdu ou tué ses enfants, les cherchant dans la nuit près d’un fleuve ou d’un lac, effrayant ceux qui entendent ses cris de douleur perçants et pleurant des larmes de sang. Reprise et amplifiée dans le Mexique contemporain, elle incarne à la fois la souffrance et la revanche des femmes victimes de violences ».

Cette fête résonne avec l’actualité de l’année 2020, où les femmes mexicaines ont manifesté contre les violences et les féminicides le 9 mars dernier. Une grève inédite pour ce pays d’Amérique centrale. 

Traditions aztèques et catholiques

 Le Jour des morts ou Dia de los muertos, en espagnol, est la fête traditionnelle la plus importante du pays. Elle est classée patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2003. Cette célébration unit les rites païens des aztèques aux traditions des colons espagnols et est fêtée le 1er et 2 novembre, sous l’influence chrétienne des dates de la Toussaint et de la commémoration des morts. C’est à cette occasion que les mexicains rencontrent leurs ancêtres et les célèbrent. Les familles dressent alors des autels dans leur maison et y déposent des offrandes. Fleurs, aliments, fruits, bonbons, plats entiers et boissons sont préparés pour faire plaisir aux défunts, dont les âmes reviennent sur terre à cette date particulière.

Les célébrations sont variées. Les mexicains se déguisent, les voitures sont décorées pour l’occasion et des défilés ont lieu dans les rues en musique. Les familles se rendent également dans les cimetières pour manger, danser et chanter. Mais cette année, le Jour des morts sera moins festif. En raison de la pandémie de coronavirus, les Mexicains ne peuvent cette fois-ci pas se rendre dans les cimetières. Ils ont été fermés afin d’empêcher une nouvelle augmentation du nombre de cas de Covid-19. Cependant, cette décision gouvernementale n’empêchera pas les Mexicains de dresser des autels chez eux et de fêter dignement leurs morts.  

Crédit : Photographie tirée du livre « Calaveras, la mort joyeuse » de Patrick Bard

Mélanie Costa

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