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En Equateur, les Sarayakus, gardiens de la nature
Photographie de Misha Vallejo, de la série « Sarayaku secret »

L’Equateur est le premier pays à avoir inscrit les droits de la nature dans sa constitution mais les Sarayaku veulent aller plus loin. Ils sont à l’origine de la déclaration de la forêt vivante et souhaitent que les Nations Unies reconnaissent cette nouvelle catégorie dans son programme pour l’environnement.

L’idée chère à l’anthropologue français Philippe Descola, à savoir que la nature doit avoir tout autant de droits que l’homme, poursuit son chemin à en croire les récentes déclarations de la Cour Pénale Internationale sur l’écocide qui pourrait bientôt être requalifié de crime contre l’humanité.

Une idée neuve pour les Occidentaux que nous sommes mais qui est portée depuis des millénaires par les communautés autochtones avec, en toile de fond en Amérique Latine, le Suma Kawsay, le bien vivre en harmonie. Depuis plus de 20 ans, le peuple originaire Kichwa de Sarayaku, en Amazonie équatorienne, lutte pour défendre son territoire, sa biodiversité et son patrimoine immatériel, contre l’intrusion des exploitants pétroliers. Aujourd’hui il est un modèle de résistance et les leaders locaux se concentrent désormais à promouvoir leur cosmovision dans laquelle la forêt est vivante, sacrée et doit être protégée au même titre que les êtres humains.  

Cette philosophie de vie guide la communauté Sarayaku et a valeur d’exemple. Un projet de frontière d’arbres à fleurs de 300 km de long est en train de voir le jour pour délimiter et protéger leur territoire. Ce sont 135.000 hectares de forêt primaire où des milliers d’animaux, d’insectes, de plantes et d’arbres sont considérés comme des êtres vivants et portent même des noms sacrés. Visible d’avion, cette frontière sera un symbole universel de paix, de protection de la terre et des peuples autochtones. 

L’école intègre également cette vision avec des cours donnés en espagnol mais surtout en kichwa, la langue originelle. Le savoir traditionnel est au cœur des contenus avec notamment des contes sur la cosmovision, de sorte que les enfants deviennent à leur tour les gardiens de cette nature au XXI° siècle.

La Forêt vivante, concept appelé le Kawsak Sacha, correspond à la vision des peuples amazoniens pour qui « la terre, le cosmos, les êtres humains, les animaux, la flore, les pierres, les montagnes, les lacs forment un tout. Dans ce tout, il y aussi les êtres vivants de la forêt qui sont invisibles». Ce tout n’est rien d’autre qu’un équilibre. Et c’est cet équilibre qu’il faut sauvegarder pour la population de Sarayaku, comme l’explique Patricia Gualinga, une des leaders indigènes avec qui nous sommes en ce moment, et dont nous vous livrerons le portrait jeudi.

Marion Fichet

En terre indigène