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Brenda Wilson : une icône de la lutte contre les féminicides autochtones au Canada.

Entre 1969 et 2011, des dizaines de femmes ont disparu ou ont été retrouvées mortes sur la route 16 au Canada. Des victimes jeunes dans leur très grande majorité ; les trois quarts d’entre elles étaient des adolescentes autochtones. 

« C’est dangereux d’être une femme ici, surtout une femme autochtone », souffle Brenda Wilson. Cette indienne Sekani, dirige depuis une dizaine d’années une association d’aide et de prévention contre la violence faite aux femmes de la région (Carrier Sekani Family Services). Elle-même a perdu sa sœur Ramona, un soir de juin 1994. Elle était partie rejoindre ses amis pour assister à un spectacle de danse. Son corps a été retrouvé dix mois plus tard, dans les bois, à quelques mètres de l’autoroute. Elle avait 16 ans.

Comme la majorité des disparitions et des meurtres, l’assassinat de Ramona n’a pas été élucidé. « On aurait dit qu’une chappe de silence s’était abattue sur le sort de ces filles », se souvient Brenda Wilson. 

Deux ans plus tard, un rapport d’Amnesty International, intitulé « Sœurs volées », lève le voile sur les violences subies par les filles et femmes autochtones. Pour la première fois, cette tragédie nationale est exposée au public. Le document dénonce des « menaces omniprésentes et généralisées ». il jette une lumière crue sur l’« isolement et la marginalisation sociale » des femmes autochtones au Canada, sur le racisme, le sexisme, les « préjudices culturels », la « discrimination systémique » et la « violence de genre » qu’elles subissent. Sur les négligences, aussi, dont se sont rendues coupables les autorités. 

Contre toute attente, le Canada, à la tradition de tolérance et de consensus social, renvoie soudainement l’image d’un pays en proie à une épidémie insoupçonnée d’assassinats et de violences misogynes. 

En cause l’héritage du colonialisme, où pendant plus d’un siècle 150.000 enfants ont été arrachés à leur famille et envoyés dans des pensionnats où il fallait tuer l’indien en eux, les évangéliser jusqu’à les maltraiter d’où des blessures intergénérationnelles mais aussi l’essor de l’industrie minière dans les années 2000 de cette région sans infrastruces publiques qui va fragiliser encore plus cette population avec l’arrivée de travailleurs temporaires et de ses dérives comme la drogue et la prostitution …

Les premières victimes seront les femmes autochtones, les plus vulnérables dans un pays où elles  sont les grandes oubliées de la société. Elles ne jouissent pas des mêmes droits et sont cinq fois plus victimes de violences sexuelles que les autres femmes. En 30 ans, 4.000 Amérindiennes, peut-être plus, ont été assassinées ou ont disparu au Canada. Officiellement elles ne seraient que 1.200. Leurs histoires ont été passées sous silence.  

Pour Brenda, il s’agit bien d’un féminicide. 

Un mot lâché dès 2014 par Emmanuelle Walter dans son enquête “Soeurs volées : enquête sur un féminicide au Canada”. La parole va se libérer et en 2016, le premier ministre crée la commission d’enquête sur les femmes disparues et assassinées. Celle-ci va entendre plus de de 2.380 témoignages de familles dans tout le pays et offre aux familles  l’espoir de connaître enfin la vérité.

En 2019, la commission publiait son rapport final et plus de 231 recommandations, mais le gouvernement fédéral tarde à mettre en place un plan d’action national.

En juin 2020, le gouvernement fédéral a retardé la mise en place d’un plan d’action national visant à assurer la sécurité des femmes autochtones. Seul un fond de commémoration a été créé pour honorer la mémoire des victimes.En attendant, en 2020, au moins 80 % des femmes autochtones subissent encore des violences conjugales et 50 % des agressions sexuelles. Et quand les sentences tombent, elles n’empêchent pas la récidive.

C’est pourquoi, depuis quelques années, des femmes autochtones se mobilisent. Certaines luttent contre les violences systémiques au sein des communautés comme Brenda Wilson. D’autres comme Fanny Wylde, première avocate Algonquine  proposent des alternatives et la mise en place d’une justice arctique millénaire, basée sur la réparation plutôt que la punition, qui réduit de moitié le taux de récidive.

Le slogan du mouvement Idle No More* « Finie l’apathie » illustre bien la force de ces femmes qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits.

En terre indigène